Lettre à mon corps

En 2016, j’ai eu la chance d’être invitée comme intervenante en Danse-thérapie par le Réseau de Santé Mentale du Pays Basque (RSMPB) pour leur évènement annuel autour de la santé mentale (SISM). Cette année là, le thème était: Santé physique, santé mentale, lien vital.
La danse-thérapie offrait une réponse parmi tant d’autres richesses.
Avec 5 magnifiques personnes appartenant à différentes structures, nous avons proposé une restitution d’atelier après 10 séances (seulement) d’expression corporelle.
A partir de textes écrits par des patients sur la thématique du corps, nous avons proposé une mise en corps de tous ces mots*.

Cette aventure magique s’est poursuivie avec la création d’un cours, un lundi sur deux à la Clinique d’Amade de 14h à 15h15. Les Reines ont voulu poursuivre, puis, d’autres personnes, de tous horizons, se sont joints à nous pour s’offrir un temps, à l’écoute de soi dans le mouvement, le leur.
Nous réitérons ce partage dès le lundi 11 septembre et, bien évidemment, vous y êtes tous bienvenus.

L’an dernier, nous avons présenté notre court métrage au 1°festival de courts métrages sur le handicap: Un certain regard.

Lettre à mon corps est le témoignage d’une aventure sans égal; Il sait révéler la part belle qui sommeille en chacun de nous…et notez que ces Reines n’avaient jamais pratiqué la danse auparavant.

Dans le cadre de la Semaine d’Information sur la Santé Mentale au Pays Basque, Clémentine Grassa, de la Cie Impermanences est…
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Nous n’avons pas gagné, mais tout ce que nous avons pu y découvrir valait toutes les récompenses du monde.
C’est ainsi que je souhaite vous partager celui qui a remporté ce concours.
Le voir et le revoir est un souffle, une respiration.
Je vous souhaite autant d’émerveillement qu’il m’a été donné de vivre en le découvrant…et insuffle par la même, mon vœu que tant de beauté perdure…

https://vimeo.com/212662503

Présenté dans le cadre du Festival de Films Courts Métrages « Histoire de Regards » sur le thème Métiers & Handicaps,…
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Corps repliés, corps déployés: M

Middelheim-42

Corps repliés, corps déployés: M

M.arrive en ce début d’après midi. Son pas est lourd, ses épaules sont lasses et rentrent en dedans, sa tête semble peser une tonne et ses yeux suivent le sol comme pour être sûre qu’elle ne tombera pas. Elle tente un regard vers moi, chuchote un « bonjour » et d’un coup, elle réalise.

Elle réalise sa présence, le pourquoi de sa venue et, sans pour autant redresser son corps, son visage me fait face et ses lèvres émettent un « Non, là, vraiment Clémentine, j’ai pas du tout envie. Je vais pas y arriver, je me sens lourde, je sais même pas pourquoi je suis venue ! ».

La lassitude qui l’habillait laisse place à une conviction à laquelle je pourrais moi même croire. Tout son corps se tend, son visage se crispe et retrouve ses tiques de la nervosité. M. tente de me convaincre un peu plus dans un bégaiement qui caractérise ces moments si particulier.

M. va commencer son atelier d’expression corporelle.

On se voit tous les 15j depuis plus d’un an, et, depuis plus d’un an, M. me dit combien elle n’a pas envie et qu’elle ne sait vraiment pas pourquoi elle est là. Je souris. Je lui souris et m’approche d’elle. Je pose mes mains sur ses épaules, y exerce une pression avec mes pouces pour dénouer ses petits muscles que je sens si tendus. Mes yeux rencontrent enfin les siens et je la crois : venir lui a demandé un effort considérable.

Même si le cours a lieu l’après midi, cela suppose un levé obligatoire et plus tôt que prévu. M. se connaît bien. Elle se connaît parfaitement et sait le temps que cela lui prendra de se sentir capable de sortir de chez elle.

Il faut d’abord qu’elle se prépare et se lève et ça et juste ça, c’est compliqué. Sortir de son état cotonneux, ressaisir son corps endolori par les médicaments, ce traitement si lourd lorsqu’on est schizophrène. Revenir malgré soi à cette réalité que l’on cherche à fuir coûte que coûte. « Elles me fatiguent en ce moment si tu savais ! J’en peux plus de ces voix Clémentine et en même temps, elles me font bien rire ! »

M. finit toujours par accepter ce nouveau jour qui s’annonce, mais aujourd’hui, elle doit retourner à la clinique pour son cours d’expression corporelle. Fait chier !

Elle a prévu le coup et ainsi, elle passera les 2 prochaines heures qui lui restent avant de prendre son bus à vérifier. Oui, vérifier. Vérifier que les cigarettes dans le cendrier sont bien éteintes, vérifier le gaz, vérifier que les fenêtres sont bien fermées, vérifier que les cigarettes dans le cendrier sont bien éteintes, vérifier le gaz, vérifier que les fenêtres sont bien fermées, vérifier l’arrivée d’eau, vérifier que les cigarettes dans le cendrier sont bien éteintes, vérifier le gaz, vérifier que les fenêtres sont bien fermées, vérifier l’arrivée d’eau, vérifier que les cigarettes dans le cendrier sont bien éteintes, finalement sortir le cendrier, vérifier le gaz, vérifier, vérifier, vérifier.

Quand elle sort enfin, elle ne peut s’empêcher de revenir chez elle et recommence à vérifier tout ce qu’elle a déjà vérifié.

M. arrive à son cours d’expression corporelle et M. n’a plus envie, elle est épuisée, ce triste jeu l’a éreinté et encore plus la conscience qu’elle en a. « Non, c’est vrai. Aujourd’hui j’ai vraiment pas envie. »

Nous rentrons dans la salle. Chacune se prépare et se retrouve vite sur les tatamis. M.n’est pas là. Comme tous les lundis, elle s’est éclipsée dans les toilettes. Elle revient dans la salle en soufflant, on sent dans son corps un agacement, ses membres semblent plus alertes mais un tantinet agacés.

J’expose le déroulé de notre atelier aux autres participantes.

M. ne nous quitte pas des yeux et on y lit effectivement cette interrogation journalière qui dit : « mais qu’est ce que je fouts là ? ». Comme tous les lundis, M. sort son sandwich acheté au coin d’une rue. Elle commence à le manger sans s’affoler du cours qui commence. Puis, dans un temps que seule M. connaît, son sandwich est avalé, digéré et M. est déjà avec nous sur les tatamis.

Son corps replié n’est plus. A présent il dit le combat qu’il va livrer, tel celui d’un boxer montant sur le ring. On sent une lutte mais pas une résistance. On sent une lutte, celle des combats qu’on se livre à soi même et aussi un « ok, je suis prête » mais ses yeux disent toujours la même chose…

L’échauffement est le moment le plus important, celui où je ne dois pas me louper. Soit je capte leur attention et les amène dans ces sphères insoupçonnées que le mouvement peut créer, soit je m’enlise avec elle dans ces yeux qui disent « qu’est ce que je fouts là ?».

On se concentre sur la respiration, on essaie un relâchement du corps dans sa globalité, on l’étire, on le masse, on le réaligne ; on se reconnecte à lui et on se souvient de sa présence.

Parfois, l’effet est immédiat et M.se remémore très vite le pourquoi de sa présence et s’en réjouit. Parfois, c’est un recentrage qui demande trop d’effort et tout ce bruit en elle l’agace plus que ça ne l’apaise. M. sort donc du groupe, s’assoit sur le banc et nous interroge avec ses yeux. Pourtant, le combat qu’elle semble se livrer à elle même, la pousse toujours à réinvestir le groupe et donc son corps.

L’univers musical a souvent eu raison de M.

Il la transporte.

Entre lutte et effort son corps esquisse des formes. Celles qu’il a l’habitude de faire dans un premier temps.

Cette autorisation nous permet à nous aussi de respirer, nous pouvons voyager toutes ensemble.

Vient alors le moment du laisser faire. Ce moment si particulier où notre tête ne gouverne plus les corps. Le corps a repris ses droits, les mots s’écrasent.

M. danse.

M. danse et ne pense plus.

Les mouvements s’enchaînent librement et sortent parfois par a-coup ; c’est son âme qui danse, son corps qui a (re)pris les rênes.

Quand la musique s’arrête, M. sourit.

Son buste s’est redressé, ses épaules se sont ouvertes, elle semble plus grande en taille. La peau de son visage est détendu, coloré, vivante et surtout, les yeux de M. ne disent plus la même chose.

M. est fière, M. ne veut plus s’arrêter.

La magie s’est opérée et elle est comme toujours, insaisissable.

Seuls les corps et les visages témoignent de ce changement radical.

Je me fais une promesse de partager un jour l’impact formidable du mouvement et me répète combien il serait merveilleux de photographier les corps avant et après la pratique.

Oui.

Nous clôturons la séance par un temps de relaxation ou de massage.

Les barrières sont tombées, le toucher n’apparaît plus comme inaccessible, le mouvement nous laisse entrevoir tous les possibles.

On a crée de l’espace à l’intérieur de nos corps endoloris, on sent cette douce énergie circuler librement et nos petites voix prennent moins de place qu’il y a une heure.

Du coup, les langues se délient, nous mettons plus aisément des mots sur nos maux, nous nous permettons des blagues et nous nous étonnons sans cesse de tout ce que ce corps a bien pu faire.

M.ne cesse de répéter des « c’est déjà fini !? » et, entre deux éclats de rire, nous dit combien ça lui a fait du bien.

M. repart.

M repart et je me souviens, un peu plus à chaque fois de cette expérience formidable que nous éprouvons ; Cette expérience du corps replié au corps déployé.

Merci M.

Corps repliés, corps déployés: F,K et T

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– « Non mais vas y ! Quand je vais raconter à mes potes qu’on a marché et qu’on s’est allongés comme ça avec la musique au milieu des oiseaux, ils vont rien comprendre ! »

– « Mais noooonn ! Regarde ! C’était trop bien ! Moi avec ma tête tout à l’heure je devenais fou et regarde là, c’est plus pareil, j’ai plus de tensions ! »

– « Mais j’m’en fouts moi ! Je veux les garder me s tensions ! J’ai pas besoin d’être détendu si j’suis pas chez moi ! Et puis ça va, j’passe ma vie dehors, j’viens pas au lycée pour être dehors et marcher une heure ! »

– « Houai mais r’garde, moi aussi je zone tout le temps, mais là dehors on fait pas les mêmes choses, on va dans des endroits qu’on connaît pas, tu respires, tu deviens plus fou ! »

– « Houai mais moi j’croyais qu’on allait travailler, qu’on ferait des trucs chelous mais en restant en classe ! »

Il est 15h30. Je suis avec F., K. et T. Nous quittons la plaine d’ Ansot que nous avons ralliée à pieds depuis le Lycée Paul Bert. Nous avons tenté en vain d’observer les oiseaux avec des jumelles depuis la cabane d’observation. Une fois posés là bas, K. et T., qui me connaissent, se sont mis en état de relaxation et m’ont demandé de mettre la musique. 25 minutes de détente et de respiration. Une rupture nette dans leur quotidien, un relâchement instantané de leurs corps. F. ne dit rien et se laisse embarquer par le mouvement du groupe.

F. K. et T., ont intégré le Pôle Relais Insertion du lycée Paul Bert. C’est une classe relais pour les 16/18 ans en rupture sociale et scolaire. Ils sont 8 à 12 afin de bénéficier d’un accompagnement individualisé et envisager une (ré)orientation scolaire ou professionnelle. Le fonctionnement est innovant, centré sur les besoins de ces adultes en devenir. C’est ainsi qu’ils m’ont contacté, convaincus qu’un travail sur le corps leur serait bénéfique.

J’ai de suite accepté, consciente de la difficulté que cela représenterait au vue de cette période délicate qu’est l’adolescence mais le projet est beau en soi et s’inscrit sur le long terme.

Mes premières séances avec eux sont chaotiques. Nous cherchons ensemble une fluidité, un sens à mettre sur les bénéfices de mes interventions. J’évite de leur dire que nous allons danser de peur que cela les refroidisse d’emblée. Je sens plus que jamais, l’importance du lien et ce besoin d’être en relation de confiance avant d’oser entreprendre quoi que ce soit avec leurs corps. Nous bénéficions d’une salle au dojo de Lauga. La marche du lycée à cette salle est un temps nécessaire, une sorte de pré-échauffement, un changement d’état qui nous permet aussi de nous apprivoiser par l’échange, des discussions de rien.

Très vite (trop), j’ai tenté de les amener dans mon univers du mouvement et de sa symbolique. Si je les sentais tous prêts à y adhérer, les regards posés des uns sur les autres à été une barrière infranchissable. Le regard de l’autre à cet âge là est dévastateur. Tac. Ils s’arrêtent en plein effort, ces pairs d’yeux sont bien trop intrusives. Avec cela le malaise s’installe et la tension monte. Je suis déstabilisée et sors de ma ligne, en essayant de (trop) prendre en compte leurs réflexions. Trop tard. Je me suis engouffrée dans cet endroit où il est parfois difficile de sortir : je n’ai pas respecté ma ligne, j’ai perdu foi en mon intervention. Du coup, ça flotte ; je me laisse envahir par les petites voix qui me rappellent que je suis en plein échec.

La deuxième séance offre une respiration. Des exercices à 2, de massage et de guidance semblent les amuser. Ils me donnent la musique sur laquelle ils souhaitent se mouvoir. Un son speed-core envahit la salle. Pulsations comprises entre 200 et 500 BPM…je suis généralement entre 60 et 180… Je me marre. Ok. Allons y, curieuse de voir à quoi et comment répond un corps sollicité par 500 BPM. Nous rigolons ensemble et tentons d’y inclure quelques fondamentaux de la danse au niveau de l’espace et de la qualité du mouvement. Ainsi, après ce grand défouloir, nous enchaînons avec du Rap aux paroles douteuses et bien énervées. Je m’en saisis pour ouvrir une discussion sur la colère justement…et nous en venons naturellement à aborder le pourquoi de leur présence au PRI, leurs ressentis sur ce qu’ils vivent et leurs absences d’attentes.

Leçon supplémentaire.

Quelle place faire à ces jeunes qui pensent et sentent différemment ? Comment leur donner suffisamment d’amour pour ne pas douter d’eux mêmes si tout autour d’eux s’accorde à leur montrer cette différence ?

C’est un cri magnifique du droit à la différence, de ne pas rentrer dans le moule des apparences, de pouvoir être accepté même si le groupe nous fait peur, même si on ne s’éclate pas en soirée par refus de boire ou de fumer. C’est un questionnement sans fin sur le système scolaire qui privilégie les « adaptés » et qui se trouve en échec face à tous ces êtres sensibles qui sont très tôt en quête de sens et qui ne trouvent pas leur place.

Nous clôturons notre séance par un temps de relaxation et je suis surprise de voir qu’ils y entrent très facilement.

Le lien est fait.

Nous profitons de nos séances pour sortir et marcher, le long de l’Adour, en direction de Space Junk qui expose sur les Supers Héros, en ville et toujours, nous trouvons un banc où nous poser et aborder qui ils sont. On finit ces temps de rencontre par un temps de relaxation à leur demande et peu à peu, j’en profite pour y ajouter 2,3 phrases chorégraphiques sous couvert de détente, et peu à peu, leur corps leur apparaît avec ses bobos, ses envies, ses besoins, ses forces.

Une fois de plus, je remarque ce va et vient corporel entre la forme prise au départ et celui qu’il devient après ces 3h….j’observe avec amour ces corps repliés qui finissent par se déployer. Leur visage est détendu, les voix sont plus douce et le débit de parole plus calme. Le nombre de gros mots et les excès de « rage » diminuent considérablement, nous sommes contents de nous quitter ainsi.

Prochain rdv direction la playa…marcher et se mouvoir dans les éléments.

Corps repliés, corps déployés: C

20190321_154615 (2)Image: C.  pendant son cours de danse hebdomadaire….

Aujourd’hui, c’est mon 1° cours avec C.

Comme souvent à cet endroit, je ressens une gêne, un malaise. L’incertitude des 1° fois génère dans mon corps une agitation désagréable, les « Et si » se bousculent dans ma tête et ouvrent les portes sur tous les scénarios catastrophes possibles.

Si j’ai bien préparé mon cours, j’ai toujours peur que cela ne suffise pas.

Je remets en doute ma capacité à savoir m’adapter, à saisir l’insaisissable, ce qui ne rentre pas dans les cases, ce qui émane de tout un chacun, à m’engouffrer dans un tourbillon de maux qui n’est pas le mien.

« Et si »…

Avec le temps et l’expérience, j’ai appris à connaître et reconnaître le fonctionnement de la « machine », à saisir la particularité propre à telle ou telle maladie, j’ai accumulé les « petits plus » qui fonctionnent particulièrement avec tels ou tels corps abîmés, à me faire une mallette « prête à l’emploi » qui saura être là pour mes 1°fois fragiles, une mallette pour les « Et si »…

Mais cela ne suffit pas, le doute est là et mon corps y réagit fortement.

Je sais aussi que le déroulé de mes séances, leurs contenus et la couleur qu’elles prendront, dépendent de cette première fois. C’est la rencontre en elle même plus que les corps qui sera décisive.

Et aujourd’hui, c’est mon 1° cours avec C.

Et plus que jamais, j’ai peur de ne savoir capter cet impalpable justement.

C. a 20 ans. Elle est polyhandicapée et ne parle pas.

Saurais-je entrer dans son univers ? Acceptera t-elle de découvrir le mien ? Quels sont les possibles offerts par son corps ? « Et si »….

Je la découvre sur son fauteuil, tranquillement installée mais un brin agitée. Tout est nouveau. L’endroit, mon odeur, le son de ma voix. Elle ne me regarde pas, ses bras sont repliés sur son ventre, ses doigts crispés en dedans mais je ne sens pas à priori de réticence à sa présence ou à la mienne.

Nous prenons le temps avec sa maman d’échanger sur leurs attentes, les gestes à éviter s’il y en a, les comportements à adopter en cas de malaise ou de crises d’épilepsies, ce que C. aime particulièrement et ce qu’elle n’aime pas…

C’est une formalité nécessaire. Nous avons tous besoin de cet échange.

Je suis admirative. Sa maman a un discours plein de promesses et ses mots ne cherchent pas à enfermer C. dans ses incapacités. Les « Il faut » ou « il ne faut pas » m’ont par le passé déstabilisé. A présent, j’observe que la danse sait opérer ce petit rien qui permet tout à nouveau. Un toucher, une parole, une caresse, une larme….comme si la danse nous permettait de sortir du cadre, comme si la danse était le sas de tous les possibles.

Je demande à sa maman de nous laisser seules pour cette dernière demi heure.

Nous nous rencontrons C. et moi, dans le silence de nos deux corps qui ne se connaissent pas et qui déjà se cherchent. Je mets une musique relaxante et cherche un contact physique avec C. Je crois profondément qu’un mouvement n’est possible que si le corps est disponible donc relâché. Je la masse, tout en lui parlant et en lui expliquant pourquoi je fais tout ça. Son corps se détend, ses membres se délient enfin, subrepticement. C’est une détente fugace car très vite les tensions musculaires reprennent le dessus et C. se replie sur elle même. Son corps reprend sa structure qu’il connaît et n’est que tension. Dans ce temps là, les mouvements volontaires semblent inexistants, les actions d’attraper, repousser, lancer, poser ne vont pas de soi.

Je me dois donc de créer cet espace où C. acceptera le laisser faire, où le corps de C. sera suffisamment malléable pour épouser les mouvements que je propose.

Je suis émerveillée par cette première demi heure car j’entraperçois déjà les codes possibles entre nous deux. C. sait me dire ce qu’elle apprécie ; Elle le manifeste par un sourire, un muscle relâché, un regard franc posé sur moi. A l’inverse, je peux saisir lorsque cela ne lui convient pas ; Si la musique ou un exercice en particulier la dérangent, elle me donne de suite les signes de son inconfort.

Le corps de C. est un bloc, une prison, une carapace, une enveloppe, une protection. Il est ce visible qui sépare et provoque tant de transferts. Il est cet obstacle garant de nos fausses croyances. Il est preuve du vivant et du vibrant en nous, notre position au monde, notre être là. Il est sensation et fera naître les émotions de C., que seule C. connaît. Mes interprétations sont et seront subjectives et ça soulève à nouveau mes angoisses de mal faire. La parole valide usuellement. Oui, les mots ont une vertus rassurantes. Je le réalise un peu plus.

Ici, je m’en réfère à C. et à ce que j’en aperçois à travers mes codes, mon intuition, aux retours de sa maman qui la connaît si bien.

Avec le temps….

Avec le temps, je prends conscience de mon ignorance.

Avec le temps, je mesure combien les mots peuvent être des murs  et combien ils peuvent nous enfermer en nous empêchant de faire.

Avec le temps, ma connexion à C. est un apprentissage incessant et une déconstruction nécessaire et permanente.

Avec le temps, C. se déploie.

Oui, C. se déploie et m’offre un peu plus chaque vendredi, ici l’ouverture d’un membre, ici le lâcher d’une articulation.

C. m’apprend à lire. C. m’apprend à agir et réagir au silence et au plein que nous créons.

C. accepte mes touchers, mes palpations, mes massages, mes tapotements.

C saisit ma main. C. cherche les formes de mon visage. C. sourit et rit lorsque nous dansons, lorsque nous allons vite avec son fauteuil. C. a ouvert en grand ses deux bras. C. a calé son visage contre le mien le temps d’une valse.

A présent je sais les musiques qui l’animent et je sais aussi les musiques qui la touchent. Et C. ne cesse de me remplir, de me questionner sur ma pratique, de remettre en question ce que je crois être des certitudes.

C’est une douce leçon de vie. C. m’interroge.

Les mots me manquent pour décrire ce que je ressens dans toute cette nouveauté, dans toute cette beauté. Je n’en ai pas qui puissent la rendre telle que je peux la vivre. Mettre des mots sur un dialogue sans paroles…De corps à corps et d’âme à âme…

Danse thérapie et expression de soi

Il s’agit de l’extrait de l’article.

« La célébration de toi sur cette Terre…Notre peur la plus profonde n’est pas d’être inadéquats, notre peur la plus profonde est d’être puissant.e.s au delà de toutes limites. C’est notre lumière et pas notre part d’ombre qui nous effraie le plus. Nous nous demandons qui suis je pour oser être brillant, magnifique, talentueux, fabuleux, mais en fait, qui suis je pour ne pas l’être. » Marianne Williamson

« A travers la danse que je partage, j’entends rendre cet art accessible au plus grand nombre, favoriser les rencontres entre les personnes, qu’elles soient en situation de handicap, retraitées, addictes, réfugiées, hors cadres…

C’est une danse qui s’adapte aux besoins des différents publics et qui souhaite combiner la profondeur du travail thérapeutique au monde riche et subtil de la création. La danse thérapie telle que je l’envisage s’inscrit dans un travail de (ré)appropriation psycho-corporelle qui pourra, à terme, favoriser une libre expression du Soi. Elle nous invite à établir ce dialogue nécessaire avec notre corps, nos émotions, notre mental et notre âme et à affiner l’écoute des messages que ceux ci nous chuchotent, taisent ou hurlent. La valeur structurante de la danse thérapie nous permet de plonger en sécurité dans notre intériorité que nous révélerons dans une danse de l’instant, grâce à la force expressive du mouvement et au pouvoir du processus de création »

Une petite vidéo pour voir, clique là:  Une façon douce et à l’écoute de soi pour entrer progressivement dans le mouvement. Laisser le corps réagir aux sensations, émotions, sentiments et/ou images par des postures spontanées ; puis, laisser les postures s’enchaîner pour devenir votre danse du jour en lien avec votre intériorité