Celles où l’autre s’envol, ferme une porte et en ouvre une autre; Ferme des portes et en ouvre plusieurs.
Un pansement parfois, une renaissance au mieux.
Une fin pour ce 6° groupe de personnes victimes de violences et/ou en état de stress post traumatique (ESPT). Le 6° déjà, avec chacun sa couleur, ses besoins, une singularité au cœur de multiples singularités.
L’importance d’un début et d’une fin, gageure de nos guérisons.
Durant 9 semaines, l’hôpital de jour d’Amade et de Benesse Marenne permettent un accompagnement spécifique pour ces hommes et ces femmes.
Des temps de parole et des échanges avec des psychiatres, psychologues et infirmières psy ont lieu une fois par semaine afin d’optimiser une psychoéducation autour des conséquences des évènements traumatiques. L’originalité ici, et à ma plus grande joie, est de croiser ces interactions enrichissantes avec une pratique hebdomadaire de danse thérapie. De nos approches complémentaires naissent des mots qui font sens parce qu’ils se vivent. Le corps nous donne une direction, l’expérience corporelle participe au processus de guérison car tout s’intègre en faisant fi de nos croyances et certitudes.
Ce sont des bulles privilégiées où sont questionnés l’ensemble de nos mécanismes conscients et inconscients, ceux qui se font jour lorsque notre mental s’apaise un tant soit peu. Nos réponses motrices en mouvement ouvrent à une autre conscience sur notre posture; Celle que nous adoptons dans la rencontre mais aussi celle qui prend place dans la solitude.
Chaque vendredi, nous faisons connaissance avec notre corps, nous apprenons les outils qui viennent mobiliser notre énergie vitale et nous tentons de briser les barrières de l’enfermement; Par le mouvement, nous pouvons apprivoiser nos blessures du lien en leur donnant une autre forme, nous nous (ré)approprions un corps que nous ne voulons plus, responsable de la plupart de nos souffrances. Nous comprenons enfin nos fonctionnements de fuite, de lutte et de sidération lorsque nous sommes réactivés dans nos souvenirs envahissants. Nous apprenons à vivre de joie et de profondeur, et que l’un ne va pas nécessairement sans l’autre. Ces vendredis sont un sas privilégié pour apaiser notre hypervigilance, la mettre en veille et lui offrir son besoin de repos. Et même si nous ne pouvons effacer ce qui est advenu, nous pouvons donner les clés d’une plus grande sécurité.
Par ici, je souhaite avant tout leur rendre hommage en témoignant de la force et du courage dont ils font preuve. 9 semaines de plongeon intime au fond de soi et avec soi, à accueillir les reviviscences et tenter d’accepter les rouages de notre mémoire traumatique à l’œuvre. Chercher, questionner, s’effondrer, renoncer, avancer, regoûter, retrouver, ressentir, se (re)connaitre, rencontrer, nommer et décider…Un bouillonnement vital, d’abord inconfortable jusqu’à ce qu’il soit enfin jouissif.
« Je peux être qui je suis même dans la peur… de toi, de moi, du nous »… »je peux être qui je suis malgré toute cette colère… qui n’est qu’une rage de vivre, une protection… celle qui m’a sauvée »…. »je peux être qui je suis sans me sentir jugé(e) ni incompris(e) »… « je peux être qui je suis et danser tout ce dégout qui me traverse et m’emprisonne »… »je peux être qui je suis avec toutes mes failles, dans mon insondable vulnérabilité »… » je peux être qui je suis dans toute mon ambivalence, ma froideur et ma honte »… »je peux être qui je suis comme je suis, là, à cet instant, et m’offrir l’espoir que cela sera au delà, en dehors, dehors. » Et tout cela sera, reconnu et accepté en tant que tel, à notre échelle… pleinement humaine.
Dans une exploration centrée sur l’estime de soi ou notre sécurité intérieure, j’aime utiliser l’argile comme compagnon de route.
Un pas de côté, une sublimation, un processus intégratif.
Il y a dans ces avant/après une lueur, une promesse:
Un dernier pas de danse, une mélodie du cœur qui vibre entre nos lèvres
Voix et corps
Du cœur au chœur
S’honorer dans cet espace que je souhaite de moins en moins intemporel
Permettre à nos parts de se révéler et d’exister ici, et surtout dans l’ailleurs
Une respectueuse leçon d’humilité: » je ressens, je vois, je m’accueille » dans l’intensité de l’effondrement et d’une libération prometteuse
Indulgence
La voix est venue ici soutenir nos corps en mouvement, telle une porte majestueuse entre mon dedans et mon dehors, cette autre frontière entre mon intériorité et l’expression de qui je suis
Une douceur qui est venue convoquer ce besoin d’affirmation de soi, cette capacité à se dire, simplement, sans détours…avec le ton et la distance justes
Des parts de soi qui émergent, subrepticement ou comme jamais, sans retour possible
Nous avons été témoin de corps puissants qui se déploient au fil de la journée, de voix qui osent et qui rassemblent
De dissonances aussi où les voix s’affirment, ce nouveau chemin où elles osent enfin mais dont la nouveauté étiole le corps, le fragmente. Le corps est plus fort dans sa véracité et vient trahir ce qui est souhaité
Toucher à cet état de corps est inconfortable mais il devient avec le temps un cadeau
Seul, lui sait
A contrario, et toujours dans cette richesse, nous avons également été témoin de corps qui s’ouvrent au mouvement mais qui étouffent la voix
Tantôt le corps, tantôt la voix, tantôt les deux…cette journée complète nous a permis d’expérimenter les différents chemins pour unifier et rendre un soi cohérent
C’était beau, comme toujours. Un immense merci, sincère et reconnaissant pour votre confiance et pour toutes les voies que nous avons empruntées cette année. Un dernier atelier tout en douceur, tout en fluidité, dans ce beau duo avec Manon, qui nous appelle à cocréer, encore et en corps. Merci Manon Irigoyen
Continuons de cheminer dans cette quête du Cœur au Chœur
Je peux être là, immobile, et gouter à ma puissance d’être: « Je suis Chloé…et j’aime Chloé »
D. se retrouve dans cette situation paradoxale où elle est sans voix le jour où elle se décide enfin à parler.
D. raccroche.
Elle vient de parler 2h avec une amie d’enfance qu’elle n’a pas vu depuis plus de 30 ans.
D. est sidérée.
Encore
Elle utilise son temps à questionner le consentement et s’emploie à trouver les outils qui lui permettraient enfin de consentir à elle ; de trouver cet endroit du soi où l’on se sent suffisamment en phase pour être et permettre au soi d’exister sans dissonance.
Elle utilise l’ensemble de son énergie à cela, observer ces espaces où elle consent malgré elle et s’interpelle pour rectifier l’angle d’attaque (tiens…ne serait ce pas plutôt une approche ?…) toujours dans ce soucis exigent de congruence.
Elle remue alors ciel et terre pour répondre à ses besoins en prenant soin de les identifier, et ce n’est pas une paille comme ils disent !
Elle cherche le courage de les faire exister en posant ses limites et surtout en osant les affirmer, les prononcer, d’abord en les chuchotant, puis en trouvant suffisamment d’amour en elle pour les poser, simplement.
Elle a cette soif de ne plus participer à tous ces silences écrasants qui disent la honte, les non dits, ces petits cailloux qui destabilisent et défont le tableau que tout le monde souhaite parfait, sans vagues.
D. a bien compris depuis toute petite, qu’on ne veut pas entendre et surtout pas voir ; alors elle prend le 3° singe et s’incarne dans celui qui ne dira pas.
30 ans de silence.
Et puis le corps…son corps…
Il a voulu brûler toutes les étapes mais la vérité de son expérience l’a très vite rattrapée. Acculée, comme souvent, elle n’a pas eu le choix que de s’affronter à elle même.
D. pose un regard doux aujourd’hui sur ses blessures. Elle les a non seulement apprivoisées mais elle a su se créer une vie où elles ont toutes leurs places. Rien ne bouge. Tout est en place.
D. pense qu’elle a enfin trouvé son équilibre.
Son psy se poile : « un équilibre ?…vous êtes sérieuse ?!? »
« Oui »
Consentir à ce qui lui est arrivé revient à intégrer ses bouts de soi morcelés dans cette vie fragile.
Consentir au bancal.
Consentir au silence qui ne fera aucune vague
Consentir à ses troubles, l’incompréhension généralisée…
Consentir, accepter, trouver sa part responsable dans ce qu’il est advenu.
D. patauge et se mélange dans sa tête.
Alors elle continue de chercher.
D.souffre de troubles du comportement alimentaire, de multiples addictions, de trouble de l’humeur, d’anxiété ; Elle vit dans une vigilance permanente, se sent vite agressée, suffoque à la moindre situation sans issue, bondit de rage au moindre imprévu, pleure comme une enfant dès qu’elle se sent abandonnée ou rejetée, sursaute, envisage moults échappatoires pour assurer ses engagements, fuit le monde, se coupe d’elle même, de ses émotions, des autres… c’est selon….
C’est épuisant.
Donc, oui, D consent à se trouver une vie autour de tous ces troubles qu’elle a bien identifié car elle sait aujourd’hui comment ne pas les réactiver.
Dans une expérience immédiate, la danse lui permet d’engrammer des réponses motrices, autres que la fuite, la lutte ou la sidération. En lien direct avec son cerveau reptilien, elle sait aujourd’hui que la danse interpelle ces mécanismes de réponses et qu’elle peut avec la répétition y placer une autre forme de posture.
Cadeau merveilleux.
Elle peut alors se nourrir des richesses de la rencontre et du processus de création. Que ce soit le souffle, le mouvement ou le toucher, elle se familiarise avec ces trois outils pour découvrir en elle une autre façon d’être au monde.
C’est salvateur.
D. s’investit corps et âme dans les mécanismes du corps et du cerveau afin d’y trouver des réponses que seul le mouvement peut offrir.
Elle en fera son métier.
Pour autant, D. est aujourd’hui sidérée.
Encore.
Elle vient de parler deux heures au téléphone avec son amie d’enfance qu’elle n’a pas vu depuis 30 ans.
La puissance du consentement passe en boucle et se répète dans sa tête.
Son consentement et Le consentement.
Pendant 30 ans, elles ont toutes les deux consentis au silence, la peur de dire. Elles ont choisi une dépersonnalisation, une perte du soi au lieu de trouver dans la voix commune la force de dénoncer.
Combien sont elles ?
Et puis il y a cette mélodie qui tourne et qui apaise : « ça a existé ».
Ca, elle le savait.
Mais la voix de son amie offre cet espace qu’elle n’a eu de cesse de chercher, celui de sa propre légitimité.
D. a été violé pendant une année entière par l’instituteur de Cm2, le directeur de l’école à qui elle devait monter tous les midis ses repas.
D. avait 10 ans.
A plus de 40 ans aujourd’hui, elle se bat encore avec son démon et les conséquences de sa mémoire traumatique qui tente d’ouvrir une brèche dans sa mémoire actuelle.
Cela se manifeste par des flash backs, des situations impromptues où une image un son ou une odeur déclenchent une dissociation corporelle et réactivent ses troubles du comportement alimentaire, son anxiété, mais aussi toute la panoplie en lien avec les sensations de l’intrusion, puis de l’évitement et de la fuite, entre autres…
D. n’est jamais au repos.
A force de travail sur soi et de mouvements dansés, elle parvient à transmuter l’idée qu’elle se faisait du consentement.
Elle n’est jamais au repos car D. est en quête de trouver tous les moyens de consentir à elle même ;
Et cela passe à présent par le respect de soi.
Se reconnaître dans son entièreté et s’accepter dans son entièreté.
D. ne veut plus consentir au silence.
Elle en a fait son combat auprès de ceux qu’elle aime et s’en veut de ne pouvoir offrir à son tour ses cohérences.
D. a besoin de faire entendre sa voix et cherche comment la société pourrait réparer.
En attendant, D. danse.
Elle danse et tente de partager sa résilience…
Car sans résilience, le malheur se répète.
Pour aller plus loin et comprendre les enjeux et conséquences d’un traumatisme. Je ne peux que vous recommander la lecture du livre de Bessel van der kolk, Le corps n’oublie rien : le cerveau, l’esprit et le corps dans la guérison du traumatisme. D’une grande accessibilité à toutes personnes hors corps médical, il apporte un éclairage nécessaire et réparateur pour toutes personnes ayants vécus un traumatisme mais aussi pour leurs familles souvent démunies à cet endroit, ce qui permet une meilleure compréhension/acceptation/amour pour nos êtres chers.
Poids et tonicité, système musculaire, individuation, choralité
« Quel vide en moi lorsque je ne suis plus dans le groupe! Je ne parviens plus à nourrir ma danse. La richesse de nos corps fusionnants devient un morcellement lorsque l’autre me quitte ou que je quitte l’autre. C’est épatant de constater mon état de corps à ce moment là. Que se passe t-il en moi lorsqu’il y a séparation? Comment la négocier?
En effet, le corps de l’autre est aussi le mien lorsque nous bougeons ensemble. Nous devenons un autre corps, comme une fusion. J’y rajouterai la notion d’ espace, cet aspect « intérieur / extérieur » qui apparait . Dans cette fusion , l’espace est différent …je ne sens plus les contours de mon corps et je ne peux pas dire ce qui est moi ni ce qui est l’ autre .
Le ressenti sera différent à chaque rencontre et je reste dans cet état d’ouverture , de surprise pour goûter avec tous mes sens la profondeur du Vivant. Nos corps sont apparemment là, mais on peut ressentir une autre dimension…et quand on est spectateur on ne le voit pas mais on le sent !
Il n’ y a pas à attendre quelque chose de la rencontre, juste écouter dans le silence l’intensité de la Vibration.
La séparation provoque un changement d’état inverse. J’avais besoin de ralentir ces micro mouvements entre nous jusqu’à ce qu’ils disparaissent pour pouvoir les ressentir encore. Garder la sensation et négocier moi même ce que je quitte et ce que je garde pour être en mesure de continuer. Approfondir sensoriellement ce changement d’état suscité par la rencontre avec l’autre. L’inscription dans mes cellules et mes muscles, ce lieu où tout s’imprime puis s’exprime, par contraction et par relâchement…cette sensation d’un liquide qui fond et se disperse sur le sol…
Comment me rassembler? Ai je envie d’ailleurs de me rassembler!?!
Que de magnifiques accordages selon le corps rencontré et où j’alterne sans cesse entre « être support » et (accepter) « d’être supportée ». Toutes ces informations multiples sur les textures de peau, les odeurs, la chaleur, cette fluidité évidente ou au contraire cette résistance qui s’accueille…prendre le temps d’observer cette alchimie et m’autoriser à l’habiter pleinement en restant à l’écoute de ce nouvel état plutôt que de me précipiter à rencontrer un autre corps. » M.
On a parfois ce sentiment que tout se fige et nous observons toutes nos résistances à l’œuvre. Les transitions sont inconfortables mais quels tremplins magnifiques pour une vie plus alignée à qui nous sommes. Apprenons à les aimer, elles sont le gardien de notre âme; elles nous permettent d’affiner l’écoute des messages envoyés par notre corps et ainsi de l’honorer, un peu plus, chaque jour. J’aime cette vague de la transformation qui vient nous murmurer la puissance de l’Impermanence. Merci 🧡
L’heure du tri carillonne et nous invite à une introspection profonde qui clarifie nos besoins à venir. Expérimenter le renoncement et s’ouvrir à un autre cycle; tirer les leçons du passé et s’engager vers soi, dans cet élan qui dit oui à l’énergie d’amour vers soi. C’est aussi déposer, dans cette sororité spontanée, tout ce qui encombre et qui étouffe. Le laisser aller, le dire, l’incorporer et le bruler. Le danser. Plus fort. Entre repli et déploiement, le mouvement nous guide et nous éclaire sur le chemin de la joie, sur la voix de notre âme.
L’espace transitionnel, l’espace intermédiaire…le trait d’union entre le moment du choc et celui de l’acceptation…un inconfort qui marque nos premiers pas vers l’intégration…cadeau de Dame Expérience. Cet espace pour aller vers un nouvel espace; Cet espace où nous sommes sans réponses et où seule notre intuition guide nos pas…une des façons de devenir plus sensorielle et affiner toujours, l’écoute de notre corps; Un moment privilégié que l’on tisse avec les voix de notre âme. Que crie notre âme? Que nous dit elle? Dans quel endroit de mon corps trouve t-elle refuge? Ne nous invite t-elle pas à créer, créer plus d’harmonie, créer plus d’équilibre et ainsi plus de joie? C’est un espace riche, entre renoncements nécessaires des certitudes/croyances erronées ou limitantes et la naissance de prises de conscience ; Or, à ce moment là, si nous savons, nous ne pouvons pas forcément. Le corps se fige, il digère et transmute. C’est inconfortable et douloureux. A ce moment là, seule ma foi en l’impermanence nourrit mes parts blessées et seul un retour au corps et à la matière me permet de tenir. La danse nourrit mes impatiences, la danse affine ma conscience corporelle et m’ouvre ce formidable espace du non-agir…parce que mon corps ne me trompe pas, non, il ne triche pas; parce que mon corps a toujours su et qu’il est le seul à pouvoir me dire ce qui est juste et bon pour moi; parce que mon corps est le témoin du temps présent. Aujourd’hui, plus que jamais, c’est en lui que je trouve refuge. Aujourd’hui, plus que jamais, je le laisse m’indiquer les voies de la guérison.
Transmutation
« En fait, j’ai eu mal aux os. Une douleur telle que j’ai jamais autant ressenti mon squelette, sa densité, sa force qui me scotche au matelas. Les tremblements étaient importants, comme une grippe. Ca m’a attrapé soudainement, j’ai connu le plongeon non calculé dans ma charpente osseuse.
Non, en fait, j’avais mal à la peau. Le froid, l’air, le contact de ma peau avec les draps, c’était une sensation étrange et une première. Tout mon être était électrique, chaque mouvement me procurait une sensation intense. Douloureuse mais intense. Il y avait de la magie à se sentir pleinement, jusque dans mes moindres cellules, entrer dans le détail de mon corps et de ses tissus, couche par couche. Une peau après l’autre. Habiter tous ces espaces vibrants entre squelette, muscles et peau. C’était le cri du corps. Son moyen de communiquer, de me dire. J’écoutais chacune de ses parcelles, me lovais tantôt dans mes bras, tantôt dans mon bassin, là sur ma nuque, m’allongeais dans mes orteils, mon fémur.
Cela a duré 15 jours.
J’ai éprouvé, pleinement consciente, le Moi Peau.
Encore.
Telle une couche supplémentaire qui se retire et qui n’a plus lieu d’être. Et lorsque cette peau est plutôt « carapace », il y a une véritable douleur physique de vulnérabilité qui se fait sentir. J’ai alors été en contact avec ma Peau Révélatrice, celle qui me révèle et dit de moi, la sensation d’être nu, à fleur de peau, dans une hypersensibilité qui brûle. La sensation était globale, envahissante et je ne peux déterminer à quel endroit de mon corps la vie se jouait. Lorsque j’ai pu sortir de mon lit, j’ai accueilli cette nouvelle Peau, sacrément purifiée mais aussi plus souple, avec suffisamment d’ouverture en dedans et en dehors. Sentir dans sa chaire lorsque cela circule librement, qu’il y a une véritable interface, protectrice et révélatrice, entre mon intériorité et le monde extérieur offre une respiration sans nom.
Tout redevient sensation.
Il n’y a rien à dire.
Juste me vivre après cette magnifique Mue. »
(Merci à l’expérience du Covid qui par la suite, viendra appuyer le besoin de discernement)
J’ai voulu partager cette Mue lors de la 1° séance de 2022. Cela faisait sens. Aussi, nous étions en plein Kala Sarpa Yoga et son énergie du Serpent du temps. L’invitation à prendre conscience de son système Peau dans cette perspective, nous a offert de belles transformations, d’inédites sublimations.
Elle a dit: « ça m’a plu cette promenade placentaire et sa matérialisation par la forme et la couleur, relié à son cordon ombilical tracé par ce foulard, celui-là rouge , bleu et violine…placé au départ, juste à la bonne place pour irriguer…Comme quoi!! puis son délitement, sa mise à distance et ma prise d’autonomie par rapport à lui….devenus très agréable…
je me suis sentie libre, surtout de m’exprimer à un rythme plus conciliant pour moi … plus intériorisé et en dialogue personnel… nouveau… par le ralentissement de mon corps ! »
Trouver son axe, se recentrer, s’ancrer, se sentir aligné.e, à sa juste place…une quête nécessaire pour trouver la force de répondre à ses besoins et acter ses rêves, clarifier ses choix, s’adapter aux changements de directions, s’engager dans la bonne. La bonne…quelle direction serait meilleure qu’une autre? N’avons nous pas un jour senti cette évidence, ce plus grand que soi qui anime et éclaire le chemin à emprunter…sans savoir comment ni pourquoi et convaincue que nous devons le suivre? Une justesse évidente, divine, salutaire, nécessaire….et puis viennent les actes, et puis tout s’orchestre et puis…. »je suis »…
Ci dessous le texte écrit par une des danseuses du stage résidentiel autour de l’axe, un travail centré sur la proxémie, la conscience de ses propres limites avant d’inter agir avec l’autre. Un écrit spontané, comme pour sublimer et parfaire ce que nos mouvements révèlent. Merci à toi D. pour ce très beau texte dont la portée nous semble universelle.
Je suis celle qui….
» Je suis celle qui vibre dans ton corps
Je suis celle qui est là, présente, fragile et forte à la fois.
Je suis celle qui s’agite, celle qui se pose, celle qui attend mais qui n’attendra plus.
Je suis celle qui sait, celle qui veut, celle qui a. Je suis aussi celle qui donne, qui donne et qui redonne.
Je suis celle qui a peur, je suis celle qui a confiance.
Je suis celle qui bouge, celle qui avance, celle qui s’immobilise aussi.
Je suis celle qui hésite, celle qui décide, celle qui est. Je suis celle qui sera aussi et celle qui était.
Je suis celle qui se trompe, celle qui invente, celle qui aime.
Je suis celle qui aime, celle qui entoure, celle qui cajole.
Je suis celle qui est passionnée, celle qui est entière.
Je suis aussi celle qui a mal, qui a froid mais qui vit.
Je suis celle qui expérimente, celle qui crée, celle qui enfante aussi et celle qui respire.
Je suis celle qui blesse, celle qui culpabilise, celle qui prend soin de toi. Je suis celle qui prend soin de moi, de toi, de nous, d’elles, d’eux ; celle qui se pardonne, celle qui te pardonne.
Je suis celle qui regarde, qui écoute, qui pense, qui pense et qui repense.
Je suis celle qui prie, qui espère, qui désire. Je suis celle qui a envie, celle qui est en vie.
Je suis celle qui apprend à s’aimer. Je suis celle qui vibre et veut vibrer. Je suis celle qui compte, celle qui mérite aussi.
Je suis celle qui est tout ça et celle qui est plus encore.
Je suis celle qui danse, celle qui saute, celle qui crie. Je suis celle qui râle, celle qui asticote, celle qui titille. Je suis celle qui aime la vie. Je suis celle qui fête la vie.
Comme souvent, je ne sais pas en détail ce qui tracasse ces petits guides. Ils viennent sur l’atelier de danse thérapie et de conscience corporelle proposé par l’hôpital de jour, et répondent à une proposition intéressante de prise en charge holistique.
Je mets du temps à entrer en contact avec cette petite fille. Elle oscille entre débit de parole et mutisme qui rejette et signifie qu’elle ne veut pas. Lorsqu’elle ne veut pas, F. se braque, fait des petits pas jusqu’à se retrouver aculée au pied du mur en disant non et suçant son pouce. Je tente d’identifier les situations qui génèrent ce refus, cette impossibilité à entreprendre quoique ce soit ensemble. Certaines de mes demandes obtiennent une adhésion immédiate, d’autres amènent F. à se figer et signifier une peur qui émane de tout son être.
Je suis confuse à cet endroit.
F. a un doudou qu’elle me présente. Il est assigné à une chaise et ne doit pas bouger. Je tente maladroitement de l’inviter dans l’espoir qu’il créera le lien entre elle et moi, mais F. refuse. Doudou est là et veille.
Il y a des refus catégoriques et il y a des refus qui se diluent dans du pourquoi pas. La frontière est infime et je passe de nombreuses séances à observer F. afin de saisir celle où ça se dilue. Je m’abstiens très vite à lui formuler toutes demandes et dépose des propositions afin qu’elle les saisisse.
F. a 6 ans et déjà, elle sait qu’elle ne sait pas danser.
Constat.
Déjà!
Je reformule. F se braque. Elle sait qu’elle n’aime pas ça et elle sait qu’elle ne sait pas faire. Je vois toutes les conséquences d’une croyance si précocement installée à l’œuvre. C’est terrifiant. D’autant que je le constate également chez les ados aussi. Le mot « danse » est effrayant. Il induit une résistance dans le corps, dévoile l’estime que la personne à d’elle même et nous fait tirer de grandes conclusions.
Déjà.
Un seul mot a le pouvoir d’être empêchant.
Enfermant.
A lui seul, le mot « danse » peut affirmer que nous sommes « ridicules »…
Un seul mot et la croyance qui y est rattachée, ont ce pouvoir d’inscrire un mécanisme qui ne peut être que biaisé car toutes ces jeunes filles sont dans le mouvement et n’ont de cesse de créer.
Je m’oriente vers des séances supposées libres où je laisse F. découvrir tous les possibles avec des objets supports. Dans un premier temps, nous créons des histoires avec un ballon paille qui sera la métaphore du monde que l’on porte et dont on a le pouvoir de faire voyager. Ce monde, tantôt petit, tantôt immense pour ses petits bras, crée des formes limpides dans son espace proche mais aussi lointain, très lointain, lorsque F. décide de s’en débarrasser. Son corps se meut, sans cesse ; et les histoires qui y sont associées témoignent de la richesse de son imaginaire. Elle prend appui sur, virevolte, abandonne son corps, le laisse réagir. Il est ce lien inespéré qui structure et libère, qui permet un toucher qui se veut structurant pour son corps. Pour autant, elle s’ennuie vite, a du mal à se poser , tente différentes expériences sans les vivre véritablement.
Aujourd’hui, je propose à F. un foulard. Elle se replie, émet un non et dit clairement qu’elle n’aime pas. Je lui propose alors de prendre toute la poche qui en contient plusieurs et d’en faire ce qu’elle veut. F. s’émoustille instantanément et se dirige vers la poche. Elle les découvre tel un trésor et s’amuse de les voir voler, s’excite de ce désordre voulu pour finalement les mettre à plat anarchiquement dans l’espace. Nous prenons ce temps et j’observe F. dans cette minutie mais aussi la perspective que seule F. connait.
Elle prend le temps d’observer son œuvre et me propose de jouer aux Burritos. Je n’ai pas le temps de saisir ce que cela signifie qu’elle se place sur un tissu et s’enroule tel un burrito. Nous nous marrons des mouvements impossibles à réaliser pour nous déplacer, nous tentons l’expérience de rallier tous les tissus pour n’être qu’un seul burrito et nous apprécions le déploiement dont nous usons pour nous en débarrasser. Le jeu est sans fin, F. s’amuse à me figer telle une statue qu’elle charge de tissus et n’en peut plus de rire de voir ses statues momifiées en mouvement. Le mimétisme est un enchantement, nous varions les sensations tenues et celles relâchées en nous tractant à l’aide de ces précieux objets transitionnels que sont nos amis les foulards. Je savoure.
F. est sortie de son mutisme et me propose de rentrer dans son imaginaire. Elle a remplacé la parole par des rires et des formes corporelles et s’amuse à rassembler tous les tissus autour/sur/sous elle. Ses propositions dansées sont multiples, la musique nous entraîne et parfait cette bulle que F. vient de créer.
Au moment de clôturer cette séance, je lui propose une dernière mise en forme libre. Elle veut faire un ENOOOORME burrito en alignant tous les foulards. F. les dispose, son espace est structuré, l’ensemble est posé, réfléchi et élaboré. Elle a un projet et l’ennui n’a pas pu s’installer ce jour. Merveilleux.
Nous nous quittons sur le plus grand burrito géant du monde avec cette sensation d’être enfin « rassemblées « , un peu plus dans notre axe.
Merci magicienne F.
Pour aller plus loin…Les enjeux psycho corporels
F. présente un corps tantôt dispersé, qui ne tient pas en place dans la discussion, se met en mouvement, tourne sur elle même, tantôt en retrait excessif qui refuse toute communication ou engagement vers l’extérieur. Son corps se repli sur lui même, ses bras se posent en protection tendus devant son ventre, ses épaules s’enroulent et sa tête se baisse. On sent ici un manque d’harmonie entre sa faculté à se rassembler et sa disposition à se tourner vers l’autre avec un déploiement qui ne va pas de soi. La notion de rassemblement et de déploiement est abordé dans les schèmes de Bartenieff où l’équilibre entre le centre et la périphérie du corps est un point essentiel de nos réalités spatio-corporelles et par extension de notre être là. Il vient interroger notre individualité, à savoir notre adaptabilité à réagir aux différents stimuli de l’extérieur. S’y ajoute le concept de kinesphère, cette bulle malléable qui nous entoure et qui détermine l’ensemble de nos limites. Lorsque je me sens en sécurité, j’évolue aisément dans ma kinesphère qui peut facilement s’agrandir et dans laquelle je pourrais engager tout mon corps sans peur de me heurter à tout ce qui pourrait susciter une forme de repli. A contrario, (et pour vulgariser) lorsque je me sens agressée ou en danger, ma kinesphère peut être enfermante tant elle est proche de mon corps. Il y a une rétraction en défense de l’ensemble de mon corps.
Au niveau musculaire, G. D. Struyf aborde le rassemblement et le déploiement à travers les chaînes musculaires antéro-latérales (AL) et postéro-latérales (PL). Les éveiller ensemble permet de les harmoniser et ainsi nous évite d’être en excès dans l’une ou l’autre. « C’est par elles que l’enfant unifie les hémi-espaces droit et gauche, préalable indispensable à la constitution de l’axe « , Benoît Lesage; et se sentir aligné à son axe nous procure ancrage et sécurité, gageures de nos engagements, justes.
Typologies soutenues par les chaînes musculaires Antéro-latérales (AL) et Postéro-Latérales (PL)/ Benamou M. et Lesage B.2011 d’après Struyf G. « Les chaînes musculaires et articulaires » (SBORTM
Dans l’exemple de F., elle est soit l’une soit l’autre. Il y a peu ou pas de flux harmonieux entre les deux, elle bascule d’une réponse motrice à une autre et n’investit pas pour autant son corps. Les moments sont dispersés sans véritable cohésion, elle a du mal à se poser, rester dans son centre ; puis le déploiement vers l’extérieur jaillit, sans projet véritable et où ni l’espace ni son corps sont pour autant habités ou en cohérence avec ce qui se joue à ce moment là.
Cet exercice avec les tissus est un exemple précieux du cheminement vers lequel les chaînes AL et PL de F. se sont peu à peu équilibrées. On est passé d’un jaillissement de tissus, à une mise en forme progressive de ces derniers pour finalement les disposer dans l’espace avec un but précis. Entre temps, elle est passée plusieurs fois par le besoin de se rassembler en les regroupant tous au centre de la pièce ou en faisant « une piscine de foulards » dans laquelle elle pouvait se lover, s’y abandonner en toute sécurité.
Son récit moteur est d’autant plus intéressant que F. m’inclut dans son histoire et réagit à mes improvisations. Elle s’y adapte et les utilise pour se mettre en mouvement. Le récit est donc plus fluide, plus harmonieux et tourné véritablement vers l’autre, avec l’autre. F. est bien présente, dans une interaction adaptée. C’est une première dans nos séances où nous étions jusque là, soit en miroir soit en opposition, et où la fuite vers un ailleurs était constamment en latence. Se mouvoir et cocréer ensemble était jusque là compliqué., l’utilisation de ces objets supports l’ont rendu possible; F. était même déçue que nous n’ayons pas le temps de me faire expérimenter le burrito géant…
Elle a dit : « Mon corps me fatigue, il n’oublie rien c’est pénible… » … « là, c’est sur, il ne pourra pas oublier ! Avec toute la danse qu’on vient de faire, ça va rester en moi. »…. « tu crois que c’est normal si ça reste ? …y a rien à faire, tout reste en moi, je vois quand il respire, je vois par où ça passe. Quand c’est bien, j’ai deux décharges électriques dans chaque bras. » V, 7 ans présentant des troubles anxieux
Elle a dit : « Je ne demande pas grand-chose, juste qu’on me reconnaisse et qu’on sache qui je suis dans cette classe, un prénom pas un numéro. Elle ne savait même pas que j’avais été hospitalisé et que j’avais quitté le lycée.C’est bizarre.Alors je me referme et c’est moi qui suis bizarre. »K, 16 ans, descolarisée, en surpoids
Elle a dit : « Tous ces regards et tous ces jugements m’oppressent, je ne comprends pas qu’on puisse passer son temps à critiquer. Aujourd’hui, on nous demande de mettre des masques alors qu’on en a tellement déjà. Je n’arrive pas être comme eux, normale. » C, 17 ans anorexique
Au skate park, il a fait : Un père avec ses 4 enfants s’agace violemment que son fils n’écoute pas ses conseils. En deux secondes, il lui saute dessus et le roue de coups de pieds et de gifles. Elle est témoin de cette scène et se fige. Les autres enfants continuent de skater l‘air de rien, habitués probablement de ce quotidien.
Dans la rue, elle entend : « t’avances connasse ou c’est moi qui vais te faire avancer ! »
Elle a dit : « Je ne sais pas où je peux crier. Quand je viens ici, c’est mon corps qui hurle et ma tête arrête de réfléchir. Où sont les espaces où je peux arrêter de réfléchir et être normale ? »P,17 ans, boulimique
Elle a dit :« Grâce à la danse, je retrouve des sensations oubliées. Je réalise que je me suis coupée de mon corps et que c’est devenu une machine. Je sens que tout circule à nouveau, c’est comme si j’étais vivante en dedans. J’aime cette sensation incroyable et en même temps, ça me fait très peur. Il n’y a pas d’espace dehors où je peux me permettre cela. »D, 17 ans, anorexique
Il a dit : « Arrête d’être ainsi, ce n’est pas normal »… « tu es trop… »
…Soupir…
« Où sont les espaces de libre expression ? Pourquoi devons nous nous évader pour y avoir accès ? A trop vouloir être Normal, je suis devenu fou. Toute ces émotions en moi me submergent. Je me suis trompé de route. J’ai emprunté celle où on apprend à tout couper pour tenir et ne pas trop se démarquer. Faire table rase de la souffrance, celle qui pourtant indique à mon corps comment (re)devenir vivant. La dissociation corporelle a été salvatrice et j’ai eu un sentiment d’appartenance fort: celui des gens dits « Normaux ».
Avec la danse, je découvre une vie souterraine précieuse qui met le langage de mon corps et de tout mon être sur le devant de la scène. Il y a une véritable cohérence entre mon intériorité et son expression. Je peux être. Aujourd’hui, je suis en quête de ces espaces de pleine expression et m’emploie à ce que mon quotidien ne soit plus dissonant. J’ai compris qu’être Normal n’existait pas et que c’était pourtant un des mal du siècle ; J’ai compris que me comparer était une porte qu’il était inutile d’ouvrir et qu’accéder aux richesses de mon âme demandait toute mon énergie.
Entreprendre un travail sur soi vient interroger les rouages de notre psyché et les différents chapitres qui la jalonnent. C’est une série de portes à franchir, ouvrir, fermer, réparer si nous les avons briser… Comment accéder à notre royaume inconscient et expérimenter la richesse de nos vies souterraines? Ne regorge t-il pas de Portes témoins de passages plus ou moins fluides vers de nouveaux nivaux de conscience? Ne sont-elles pas la promesse de nos plus belles transformations?
Le jeu pourrait être simple si nous nous en tenions à cette règle: en ouvrir une et la refermer, ouvrir la suivante et la refermer, et ainsi de suite. Pourtant, certaines sont verrouillées, d’autres protégées par une armée prête à bondir et si certaines semblent accessibles, d’autres peuvent être interdites, effrayantes, maléfiques. Force est de constater que de nombreuses portes à ouvrir peuvent nous ramener incessamment devant la même porte et cette sensation de « déjà vu » et de « ne pas avancer » peuvent être douloureux. Le temps pourra nous donner les clés de la douceur pour réaliser que nous ouvrons effectivement la même porte mais que nous la refermons de plus en plus vite et qu’en son sein, nous peaufinons nos mécanismes, un peu plus, un peu mieux à chaque réouverture.
C’est dire son importance dans la qualité des prochaines ouvertures, comme si une porte pouvait être le terreau de toutes les autres.
Il semble exister plusieurs Portes « fondamentales » qui porteraient en elles de nombreuses directions à expérimenter, riches de transformations personnelles mais je souhaite aujourd’hui vous partager l’expérience des Portes de L’enfance qui semblent reliées à toutes les autres.
Me souvenir qu’au commencement tout était neuf et… comprendre.
Comprendre ce décalage presque étouffant entre ce qui est naturellement et joyeusement inscrit en moi et comment mes blessures m’en ont coupé et m’empêchent d’y accéder à nouveau.
Le mouvement libre et spontané, est venu me révéler l’existence de certaines portes. Il est venu projeter une lumière sur un endroit à découvrir, une zone d’ombre laissée pour compte. Faire confiance à mon corps est à ce moment là nécessaire. L’éclairage de mes angles morts, de ces points énergétiques et/ou de ces mémoires figées, se fait non pas de manière anodine mais bien parce qu’il semble que je sois prête à en prendre conscience à ce moment là. Je suis donc libre de les explorer et de plonger dans cet espace inconnu.
Le mouvement m’offre sa double fonction en me permettant de débloquer et de danser mes empêchements. Je peux, grâce à lui, sublimer ce magma énergétique en plongeant dans un processus de création. Non seulement il me révèle une porte à franchir mais il est un outil précieux pour accéder à ma métamorphose. Dans cet acte de créer, je vais pouvoir me reconnecter à ma part sensible et vivante, indispensables, mais dont je me coupe aisément si je ne suis pas vigilante.
Donner une intention au mouvement, et ce, quelque soit la fonction recherchée, en fait un merveilleux allié de guérison et quoi de plus évident que de le confronter aux blessures émotionnelles de l’enfance (ou les 5 blessures de l’âme de Lise Bourbeau).
Je ne sais pas si on peut guérir de ses blessures et, avant d’avoir une réponse, je cherche des moyens accessibles pour mieux vivre avec et envelopper mon âme. La peur d’être rejeté, abandonné, humilié, trahi tout comme nos révoltes face à l’injustice et nos impuissances peuvent nous pousser à agir à l’encontre de ce qui est juste et bon pour nous. Nous mettons en place des systèmes de défense et/ou de protection à notre détriment. Pourtant, une fois identifiées ces blessures archaïques, nous apprenons à enrayer les situations qui les réactivent et à ne plus nous engouffrer dans nos drames personnels. Cela nous évite ainsi d’offrir des réponses inappropriées et de les nourrir ou de subir une situation source de souffrance; Comprendre les mécanismes biaisés qui en découlent m’offre l’occasion d’un mouvement, d’un changement possible en faveur d’un cheminement conscient vers l’acceptation, gage de ma libération.
Danser dans cette quête de sens me donne l’occasion de me reconnecter à ce qui est inscrit en moi au-delà de tout. Danser dans cette quête de sens répond à cette envie furieuse de renouer avec une véracité d’être et de retrouver ce Moi authentique. Danser dans cette quête de sens peut parfois être ma seule légitimité d’être et m’offre un acte concret de transformation de mes ombres en lumière. Danser m’amène devant toutes les Portes et danser m’accompagnera toujours lorsque la porte sera franchie.
Au commencement, tout était neuf.
C’est une proposition, une sorte de laboratoire de recherche pour ce prochain week-end résidentiel en danse thérapie. Trouvons les clés.
Trouvons celles qui ouvrent les Portes de notre enfance et qui semblent abriter notre besoin de sécurité mais aussi celles qui se font les gardiennes de nos rêves enfouis et des dons qui sommeillent en chacun de nous. Franchissons ces Portes, dansons pour elles et laissons notre corps nous guider vers ce qu’il est temps de mettre en lumière.
« Vous ne me ferez jamais danser ! En 87 ans, c’est jamais arrivé… »
Tranche de vie en EHPAD
Tous les mardis depuis 9 mois, je m’offre un voyage. 45 minutes me séparent de mon lieu de travail. Je prends cette entrée en matière tel un sas de décompression et une chance inouïe de pouvoir jouir d’aussi bon matin, d’un tel paysage que m’offrent les routes du Pays Basque. Je m’enfonce dans les terres, tantôt captée par les voix de France Inter, tantôt « décorporée », comme sortie de moi, transportée par les musiques que je proposerais probablement.
Tous les mardis matins, depuis 9 mois, je me sens chanceuse et, un peu plus chaque fois, je remplis mon vase de la reconnaissance. Avec les saisons, les couleurs changent et m’offrent un spectacle sans cesse différent ; cela participe à mon état d’être qui se rapproche de celui (re)trouvé après une belle méditation. Une évidence, une juste place, un (ré)alignement, un bonheur plein…
Je sais aussi les personnes que je retrouve, la pratique d’un métier-passion dans un cadre bienveillant et où tous les ingrédients de la justesse se rassemblent. Il y a cette confiance qui participe à tant de beauté…Confiance entre partenaires et équipes médico-sociales, confiance entre résidents et avec moi même, confiance en la danse-thérapie et confiance en ce qui doit être…
Chaque mardi depuis 9 mois, je caresse délicieusement la définition parfaite et savoureuse de cette notion vaste : « se saisir de l’instant présent ». Je la sens dans mon corps tout entier, je prends la mesure de tous les mots d’Eckart Tolle, cet endroit sait les rendre vivants, je me prends dans tout mon être la puissance de l’instant présent. Merci.
Tous les mardis depuis 9 mois, je retrouve Jeanne, Yvonne, Maitexa, Prospère, Thérèse, Daniella, Mariana, André, Peyo, Madeleine, Xan, Martin, Rose….et tant d’autres…Nous sommes à Iholdy et Isturits, en EHPAD, et nous dansons, nous rions, nous nous émerveillons…Nous offrons un espace sacré à nos corps meurtris et oubliés et nous les invitons joyeusement au mouvement, simplement, avec ce qui est là, ce qu’il y a de moins douloureux aujourd’hui, ce qui veut bien se mouvoir malgré la perte d’un voisin et/ou d’un ami, malgré tout ce qui nous rappelle nos possibles d’antan…notre corps, la musique, le temps qui est passé et cet inconnu à venir.
Nous jouons le jeu de jouir pleinement de cet instant fugace, si présent, si vivant, si créateur de vie. Nous l’épousons et nous en faisons ce que nous voulons, peu importe les codes pourtant bien ancrés encore : la technique, le regard de l’autre, le jugement, la maladresse…
Seul.e.s ceux étant aux prises avec leur mémoire, bénéficient de cette spontanéité inégalée et ne s’encombrent plus de « tout ce qui empêche ». Ils sont. Ils ressentent, le vivent, le véhiculent et le partagent. Il n’y a plus de filtre et cette spontanéité est garante de joie immédiate et sincère, de cœur à cœur et d’âme à âme. Et toujours, dans cet élan si naturel, le corps est surprenant. Il se dit avec 10 ans de moins, nous fait douter sur le diagnostique et la notion du temps, et nous rappelle de l’urgence d’être, ici et maintenant, de croire en la magie, cette force-vie.
Je suis le témoin de ces corps qui semblent légers et qui flottent un instant, de ces corps sans douleurs, de ces émotions qui explosent et qui soulagent, de ces histoires sans mots et sans paroles mais qui disent tant de cet amour permanent et nécessaire. La danse et la musique viennent (r)éveiller tout cela en même temps ; elles effacent toutes les étiquettes, les codes en lien avec telle ou telle maladie et hurlent ces corps aimants, ces corps vibrants….ces miracles. Puissance de l’instant présent.
Et puis il y a le groupe de « ceux qui ont encore toute leur tête » ; Ceux avec qui je peux échanger verbalement, ceux qui n’ont pas le choix que de rester sur leur fauteuil, d’être tributaires de leur déambulateur et qui ont toute leur conscience pour leur rappeler chaque jour que le temps passe. Ce qui les « empêchait » jadis les « empêche » toujours. Les croyances sont inchangées, seul leur corps permet des variations Goldberg. La magie opère pourtant et l’accès au mouvement est de plus en plus naturel.
T. fait partie de ce groupe.
Elle a une insuffisance cardiaque et son nouveau corps ne lui permet presque plus de se lever sur ses deux jambes. De forte corpulence, elle ne cache pas pour autant son immense plaisir à être parmi nous. Elle profite de chaque moment de danse pour jouer et se rire d’un personnage qu’elle incarne divinement. J’ai le sentiment d’entrer en scène lorsque je m’adresse à T. Nous entreprenons notre histoire et,par un jeu de mains et des yeux qui cherchent, nous créons le mouvement qui nous est offert avec ce que nous avons. Je m’avance théâtralement, mon corps répond à ses directives d’avancer ou de reculer, de repousser, de virevolter…je tourne autour d’elle et nous improvisons une danse qui est la notre et participe à la joie collective où tous se marrent de cette histoire que chacun interprète à sa sauce. Nos duos deviennent un rdv, que je me surprend à attendre.
Vient le jour où, en fin de séance, je constate la présence d’un nouveau danseur, venu discrètement dans ce cercle de joie. Je l’interpelle sur la nécessité de nous mouvoir et, à peine ai-je prononcé ces mots, que sa moue me signifie un « à quoi bon » qui en dit long. Il dit être venu pour voir…écouter la musique, et encore !
« En 87 ans, je n’ai JAMAIS dansé! Ce n’est pas vous qui allez me faire danser aujourd’hui ! »
« ha !? »
« Je suis le mari de T. Dis lui, T., que nous n’avons jamais dansé en 67 ans de mariage !. »
T. approuve, sourire en coin.
Il me met au défie forcément.
« Ok. Mais là, comme ça, si je pouvais mettre une musique, laquelle ferait du bien à votre corps ? »
« Pfff…Aller…une valse peut être…et encore !! »
Je cherche une valse des plus classiques qu’il soit dans mon répertoire et trouve celle d’André Rieu. Le cercle des Sages est en stand by mais vibre déjà dès les 1° notes. T. reprend ses mimiques et son jeu de regard, puis, contre toute attente se lève et traverse le cercle pour rejoindre son mari.
Je suis sans mots et sans mouvements, juste prête à parer à tout déséquilibre.
T. invite d’une main son mari.
Le temps s’arrête.
Ça et juste ça est un cadeau suspendu et relève du miracle. C’est une image magnifique que je sais déjà gravée en moi.
Son mari, ayant pourtant juré n’avoir jamais dansé avec elle en 67 ans de mariage, se lève à son tour et se laisse emporter.
T. et son mari nous offrent une valse.
Leur première.
Instant de grâce.
Visages radieux et corps flottants.
T. rajeunit de 20 ans, elle savoure son cadeau et son mari nous renvoie son « à quoi bon »…. « à quoi bon avoir tant attendu ! ».
Ils sont magnifiques.
Personne n’intervient. Personne ne danse. Nous participons à faire de ce moment un moment unique et délicatement dédié à T. et son mari.
Bien sûr, je m’inquiète pour T. que nous devons ménager.
Des deux, c’est elle qui semble être la plus fragile mais je ne peux interrompre cette 1° fois.
(…)
La semaine se passe et comme à chaque fois, j’arrive le mardi avec cette appréhension : l’annonce des départs, le nom de ceux qui nous ont quitté.
Et, ce jour là, j’apprends que le mari de T. est parti.
Nous étions tous préoccupés par T. au vu de sa santé, mais c’est son mari qui est parti en premier. Une semaine après sa 1° valse..
La mémoire de T. lui permet un recul salvateur et dans le même temps, le souvenir de cette première et dernière valse est un baume inestimable. Il l’enveloppe et lui donne ce…ce truc dont je n’ai pas de mot….pour continuer à se saisir de ces instants de vie.
Durant un mois, T. continuera de venir d’elle même aux ateliers et à nous rappeler cet instant magique qu’elle a partagé avec son mari. Elle se saisira de tout ce qu’elle peut se saisir encore, nous envahira de sa joie et de son jeu théâtrale hors du commun puis, très vite, retrouvera son cavalier.
T. merci.
Merci à tous les deux pour cet instant de grâce.
Merci pour cette valse majestueuse et votre permission d’être.